Histoire courte (8)
La douleur m'a rarement fait pleurer, je parle de celle qui me concerne. Je garde mes larmes pour accompagner la détresse de ceux que j'aime, et j'aime l'humanité. Je les camoufle , je ne les affiche guère, je les raconte peu. Il faut savoir se montrer fort pour nimber l'affliction. Paroles sobres et gestes muets, une simple phosphorescence sans éclat de voix.
Je suis revenue de Berlin le corps en berne, le coeur chagrin, et j'ai souri.
J'y avais fait un séjour professionnel que j'avais prolongé de quelques jours de vacances pour retrouver encore la ville qui m'avait déjà accueillie plusieurs fois en touriste.
Le Ku'damm et sa frénésie, l'avenue Unter den Linden plongeant vers le Pariser Platz et leurs effervescences pailletées, m'étaient familiers. Les tilleuls fleurissaient déjà et je m'étais installée à une terrasse.
Il m'a regardée en silence et s’est approché. Il m’a souri et m’a tendu la main. Sa jeunesse et sa beauté m'ont effrayée. Je me suis levée sans oser faire un pas, me sentant dans un soudain paralysant,immensément vieille, misérablement laide, violemment lourde.
Personne ne saura jamais que mon séjour là-bas a eu la grâce délicieuse d'un paradis sans pomme ni serpent, que ses nombreux toujours m'apparaissaient comme un mystère, que mon abandon était don mais aussi plaisir, ni que cet immeuble wilhelmien tout près du Lustgarten, témoin de moments éoliens, m'avait débarrassée de mes brumeux complexes.
Je suis revenue de Berlin le coeur chagrin, le corps en berne, et j'ai souri.
Sa vie durera au-delà de la mienne et je n'ai plus peur de vieillir.
16 Comments:
oh mon dieu quelle jolie histoire, et je plaisante comme je regrette encore plus de n'avoir pu connaîtgre Berlin. Mais aurais je eu cette simplicité ? Très beau mariel
Bien racontée comme toujours. Bonne journée Mariel.
Quel bel hymne à la vie, à l'amour, à l'espoir que ce billet
bonne journée mais pas seulement dans les souvenirs,mais avec la soif comme moteur
bises
Etrange de lire le texte de Siréneau hier et le tien aujourd'hui. Des registres différents, des expériences différentes, mais une telle capacité à nous faire ressentir les choses... Très beau.
émouvant ......... en ce jour de ciel qui pleure
je te fais plein de biszoux ensoleillés
Don et plaisir: qui dit mieux? Quelle importance l'âge du moment qu'on se comprend!
On reste triste, après, mais quand ce ne se passe comme on l'espérait (et on s'attendait à quelque chose de plus) s'est finalement pire.
Merveilleuse récit, j'espère qu'il t'es arrivé vraiment et récément. En tout cas tout peut encore t'arriver en futur aussi.
On regrette jamais vraiment ce qui s'était bien passé! Après un temps, les larmes (externes ou internes) passent et la souvenir reste.
Mariel, c'est magnifique !
Je suis saisie par l'émotion.
C'est écrit avec tant de pudeur et de beauté.
Beaucoup de sensibilite...
je ne sais pas quoi dire de plus...
simplicité de l'instant si bien raconté avec la force que tu sais donner aux mots
.
Vive l'amour, toujours recommencer, vous êtes si belle conteuse Mariel, grâce et subtilité, mille et une histoires courtes je viendrais chercher dans votre si joli journal!
... sans pomme ni serpent... je souligne cet extrait de ce si beau texte, touchant: du coup on voudrait aller voir à Berlin si... ;-D
- Brigetoun : Berlin est vraiment une belle ville... simplicité ? j'avais peur de choquer avec mon histoire, il faut croire que non, les histoires d'amour sont toujours belles
- Tanette : merci et bon dimanche à venir
- Elisanne : les souvenirs restent présents et l'avenir est à déguster sans modération
- Miss PV : merci d'avoir apprécié
- Nanou : bisous à toi qui a déjà entendu (un peu !)
- Julie : j'ai cru que l'âge avait de l'importance, mais aujourd'hui je sais bien qu'il n'en a pas autant que je voulais lui en accorder, et... l'histoire restera malgré mon écrit, mon jardin secret, qu'importe s'il elle est réelle ou non, qu'importe que cela ait été à Berlin ou ailleurs, elle est dans mon coeur
- merci Holly j'étais également très émue en l'écrivant
- m. merci d'avoir laissé une trace, je crois en effet qu'il n'y a pas beaucoup à en dire
- muse : merci
- siréneau : je suis confuse et vous me flattez, mais venant de vous je le suis doublement car votre plume est superbe...
- béo : Berlin vaut le détour tout comme les nombreuses autres villes que j'ai pu visiter et... il fait toujours beau quelque part
Très beau récit en effet. J'adore le poids de mots élégamment pesés.
Quel merveilleux texte Mariel !
Merci de l'avoir partagé avec nous !
Bon dimanche.
Belle histoire... vraie.
Vous avez su faire transparaître votre ressenti au-delà des mots. Je vous envie beaucoup, car j'y parviens moi-même très difficilement: je dois me faire violence pour y arriver.
Je suis intimement convaincue que la véritable intelligence se joue des barrières de génération... Et heureusement!!! ;-) Merci à vous pour ce texte dont je me souviendrai. :)
j'ai trouvé ce texte trés toucnat et si bien écrit...
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