Comme chaque dimanche je rejoins ma cousine Blanche. Depuis des lustres, depuis plus de quinze ans, depuis que son rustre l’a quittée... Nous étions dès lors seule chacune et nos malheurs nous avaient rapprochées.
Un rendez-vous dominical de toutes les saisons. Il faut dire que les hivers ne sont pas trop rudes du côté de Carcassonne et, si à cette période là le banc nous appartient, nous ne prenons plus aussi facilement nos aises dès qu’il fait meilleur.
Début mars, un vent frisquet, même à l’abri des remparts... j’ai mis mon coupe-vent jaune sur mon pull angora noir, mon pantalon à chevrons et les bottines que j’avais trouvées en soldes au mois de janvier, une bonne affaire.
Et je l’attends.
Il est vrai que j’avais de l’avance, mais là elle exagère. Un quart d’heure de retard déjà. Ça ne lui était arrivé qu’une seule fois, un dimanche de l’automne dernier, elle s’était assoupie après le déjeuner.
Ça y est, les places sont toutes prises, elle va s’asseoir où maintenant ?
Et je l’attends encore, une heure de plus... Deux places se sont libérées depuis. Où donc est Blanche ? Elle m’avait pourtant dit qu’elle allait venir malgré sa douleur à la hanche et sa migraine tenace... mais Blanche a toujours un bobo quelque part. Je l’aime beaucoup ma cousine mais parfois elle m’exaspère ... elle ne parle plus que de sa santé qui dégénère.
Allez ! je m’en vais et passe la voir...
Début mars, le vent s’est calmé , il est 16 h passé et je suis rue Blaise Cendrars.
Nous n’aurons plus de dimanche, le banc restera vide , ou du moins sans Blanche. Je l’ai trouvée dans son entrée. Hémorragie cérébrale, et je n’étais pas là . Mon Dieu ! comme j’aimerais encore écouter son mal, la comprendre et la croire !
NB. cette histoire courte ne me concerne pas de tout près, mais elle peut arriver à n'importe qui... et ce fut le cas pour une amie proche de moi, je ne connaissais pas Blanche mais mon émotion était tout autant vive !